ECRITS SANS PRETENTION

PHIL DU SUD

 

Très cher ami,

J’ai le douloureux devoir de te tenir informé des menus évènements qui jalonnent mon existence, dans ce petit vallon des Cévennes qui m’a vu naitre, vivre honorablement et sans nul doute mourir de la même façon…

Figure toi qu’une cousine germaine au 17ème degré a eu la malencontreuse idée de décéder sans avoir pour autant testé, cette situation, tu vas le comprendre, me place dans l’embarras.

Il y a deux jours, une camionnette de la Poste, tu sais celle qui passe seulement pour la vente des calendriers du facteur qu’on voit deux fois par an…bref, j’abrège, ce n’est pas le sujet de ma lettre. Doc la camionnette a freiné devant ma porte, et comme je suis, comme tu le sais, le dernier habitant du hameau, j’étais à peu près sûr que ça valait la peine d’ouvrir ma porte.

Un jeune gars avec un blouson jaune sale m’a fait signer un registre par deux fois, puis m’a remis une grosse enveloppe et puis le colis. Il tenait tout l’arrière de la voiture !

Il a fallu que j’aille à vélo jusqu’à le ferme des Bertranges pour quérir le fils du Marcel pour m’aider à rentrer le foutu carton chez moi, le facteur m’ayant planté son bastringue sur le perron !

Trois heures de déballage, cinq heures d’installation, puis il a fallu ensuite partir chez l’écrivain public pour tâcher de comprendre le contenu du dossier.

Je te passe les détails, cette lointaine parente m’a fait cadeau malgré elle de son unique possession, un immense écran plat tout prêt à la finition de dynamite couplée, que j’ai compris, en verre !! plus grand que l’armoire de la grand-mère !

Qu’est ce que j’ai ri quand on a su que c’était, finalement, une télévision .

Dans la vallée, on l’a jamais capté la télé, et cela depuis l’époque de l’Ortf…C’est pas qu’on aurait pas voulu regarder des fariboles pour se distraire comme les autres, mais le maire, du moins il y a 54 ans, était catégorique : Ca ne passe pas, et ça ne passera jamais, le vallon est bien trop encaissé et nous n’avons pas de budget pour un relais ;

Comme on ne tenait pas à voir les impôts augmenter…

Ben voilà, qu’est que je vais faire du machin ? Ca pourrait faire miroir dans la salle de bains, au-dessus de la cuvette en faïence, mais, pardon, il faut l’astiquer toute la journée pour se voir dedans. De toutes façons, le père n’a jamais voulu mettre l’électricité, quoique depuis que l’essence augmente, ces lampes à pétrole finissent par couter bonbon…

En plus, même l’écrivain n’a pas su traduire le mode d’emploi, on s’en fout complètement, ça a servi pour allumer le feu dans la cuisinière à charbon…toujours ça de moins à acheter, comme disait ma grand-mère auvergnate !

Enfin voilà, si un jour tu as des vacances, viens à la maison voir l’engin, tu verras comme c’est beau, comme tout ce qui est inutile.

 

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